Michel Rémon & Associés - Michel Rémon vu par Bernard Desmoulin à l'Académie d'Architecture
21/05/2015

Michel Rémon vu par Bernard Desmoulin à l'Académie d'Architecture

Réception à l'Académie d'Architecture   

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Michel Rémon, a été reçu en tant que membre titulaire à l'Académie d'Architecture le 21 mai 2015 dans la promotion Charles Garnier.

Merci à Bernard Desmoulin, architecte, pour son très beau portrait d'introduction : 

 

"C’est avec le plus grand plaisir qu’il me revient de présenter notre confère Michel Rémon et de l’accueillir au sein de l’Académie d’Architecture qui lui a d’ailleurs remis en 2008, sa médaille d’honneur.

Avant de commencer ce trop rapide portrait, je voudrais citer cette phrase qu’il m’arrive d’emprunter à Michel – en faisant naturellement toujours référence à son auteur quand il répond malicieusement à ceux qui pensent que les goûts et les couleurs ne se discutent pas « Ça tombe bien, j’ai justement un diplôme de gout et de couleur ».

C’est en 1977 que Michel Rémon est diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, à UP7 sous la verrière du Grand Palais. Il m’y a précédé de quelques semestres et il était alors l’un des aînés dont les recherches sur la façade épaisse et l’architecture urbaine bioclimatique, pleines d’enseignement, étaient pour moi, un complément fertile à l’enseignement de Ciriani.
Ces recherches, il les concrétise très tôt en publiant deux ouvrages pour le plan construction avant de les mettre en œuvre dans ses premières réalisations. C’est comme chef de projet d’un programme de 63 logements d’Henrik Lassen dans le Nord qu’il expérimente le thème de la façade épaisse. Fondé sur la conviction que la complexité de la course du soleil autorise une façade principale à contre jour, ce projet témoigne déjà d’une réflexion sur l’héliotropisme en tissu urbain dense, autre fil conducteur de sa démarche.

En 1981, il obtient les Albums de la Jeune architecture et en 1984, il ouvre son agence : l’Atelier Michel Rémon qui remporte bientôt des concours importants sur des projets universitaires. Sur le campus de la ville nouvelle de Cergy Pontoise, l’Université des Chênes lui vaudra une nomination au prix de l’Equerre d’Argent et le premier prix d’architecture du Conseil Général du Val d’Oise.

En réalisant sur ce campus quatre bâtiments successifs à l’aube des années 2000, il apporte une contribution décisive à l’impact de l’université dans l’édification d’une ville. Autre projet important dans cette première partie de sa carrière, celui de l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers de Metz (1994-1997) avec la géométrie striée d’une toiture en shed orientée plein Nord pour offrir aux ateliers une lumière idéale.

Plus que l’enveloppe, l’espace, l’échelle et les proportions guident son écriture. Autres thèmes importants : la relation au sol et au ciel, la fabrication de l’espace par la conjugaison des opacités et des transparences, l’art des toitures qui installent des horizontales ou des stries dans l’horizon.
À Torcy, dans un paysage boisé en lisière de Marne, une base de loisirs se résume à une fine ligne blanche au creux d’un talweg cerné de collines.

Installé Cité de l’ameublement, Michel Rémon anime aujourd’hui une équipe d’une quarantaine de personnes qui a su asseoir sa réputation dans le panorama des grandes agences Françaises.

Architecte au sens le plus noble du terme, il a aussi l’âme d’un chef d’entreprise. Très attaché à la notion d’Atelier et à une approche très concrète de la conception du projet, il a su faire évoluer sa structure pour accéder à des programmes de grande échelle complexes et souvent prestigieux : le stade de Reims, des hôpitaux, des universités, des laboratoires de recherche, des équipements tertiaires et d’infrastructures. Capable d’aborder les grandes échelles et les grands territoires, c’est au Christ de Rio avec ses bras ouverts en croix sur l’immensité d’une mégapole qu’il compare volontiers le Pôle Mère Enfant de Villeneuve Saint-Georges. « Unique et emblématique, tant par le lieu où il se situe que par ses fonctions », ce havre de secours « s’élève au milieu de sa banlieue comme jadis la cathédrale au cœur des villes. » Sur le site de l’Hôpital Edouard Henriot de Lyon, c’est à l’ampleur d’une échelle urbaine qu’il se confronte.

A travers des programmes exceptionnels, chaque projet relève d’une aventure humaine et culturelle complexe en termes de technicité, de fonctionnalité, d’histoire et de traduction architecturale. Le laboratoire de la police scientifique, à Ecully (2000) et le pôle des nanosciences du CNRS à Saclay en témoignent.

Si le parcours exemplaire de Michel Rémon est avant tout représentatif de la commande publique, ses succès et une belle série de références lui permettent aujourd’hui d’accéder à des projets privés tout aussi passionnants qui lui ouvre un nouveau champ de recherche et d’expérimentation. En 2014, c’est le centre recherche & développement d’Airbus Helicopters à Marignane avec ses open spaces accolés à un atelier de maquettes à échelle 1. C’est encore l’Institut National de l’Énergie Solaire (INES) de Chambéry qui optimise les performances énergétique grâce à un dispositif de climatisation solaire. N’oublions pas non plus son projet pour le laboratoire de recherche d’AIR LIQUIDE à Saclay, remporté en juillet 2014 avec la paysagiste Laure Planchais et le bureau environnemental Tribu.

Parallèlement à ces oeuvres reconnues, Michel Rémon a enseigné le projet dans plusieurs écoles d’architecture. Il a été également architecte conseil auprès du ministère de l’Equipement et consultant à la MIQCP.

Soucieux de la permanence de son architecture, collectionneur inlassable d’images de fenêtres, fasciné par les murs depuis sa jeunesse, il revient toujours au cadre, évoquant tour à tour les points de vue somptueux qu’offrent les fenêtres de la maison de Malaparte à Capri ou le De pictura d’Alberti. Je conclurai en rappelant qu’il aime aussi citer parmi ses références : l’église d’Aulnay de Saintonge avec son mur imprégné de lumière et la mécanique savante de ses embrasures, les cathédrales industrielles, beaucoup de constructions anonymes bien ancrées dans leurs territoires.

Michel Remon est un vrai architecte et sa force, c’est de continuer son combat d’architecte en travaillant sur des échelles exceptionnelles, là ou d’autres pourraient perdre leur âme. Il n’est pas blasé, il n’est pas usé, il a gardé une virginité, de pensée et de curiosité et surtout d’enthousiasme, malgré les coups que l’on reçoit.

Michel est un combattant souriant."

Bernard Desmoulin

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Discours de Michel Rémon à l'Académie d'Architecture :

 

Merci de m’accueillir parmi vous,
A cette occasion je voudrais vous dire trois choses très rapides.

Je voudrais vous dire d’abord l’heureuse surprise d’être accueilli dans la promotion « Charles Garnier », un des architectes que j’admire le plus.
L’architecture de Charles Garnier, c’est un Art Total : toutes les disciplines artistiques de l’époque ont été convoquées par Garnier pour réaliser l’Opéra de Paris.

C’est ensuite une expression sublime du « système des Beaux-Arts Français ». C’est une architecture très Plastique, très Physique, très Sensuelle. Une
architecture qui parle à tout le corps. C’est une architecture qui a appliqué à merveille, bien avant le mouvement moderne, la notion de « promenade
architecturale » comme manière de concevoir l’espace, en plan et en coupe. On parlait alors, je crois, de la « marche » d’un bâtiment. J’ajouterai que c’est l’Opéra Garnier qui m’a fait comprendre dans tout mon être le mot « espace ». Aucun professeur n’avait réussi ça avec moi jusque-là.

Deuxièmement, je voudrais vous dire combien je suis émerveillé, à chaque fois que je viens ici, de voir réunies autant de personnalités passionnées, engagées, autant de personnalités qui consacrent leur vie à l’architecture (je dis bien consacrent). Et je suis encore plus surpris de découvrir combien ces multiples engagements, nos engagements, que nous exprimons de façon très semblable, renvoient en fait, à des façons extrêmement différentes de pratiquer notre métier, de faire de l’architecture.

Je découvre tous les jours que chacun de nous a inventé sa propre façon d’être architecte ... Cette diversité est troublante.

Il y a beaucoup de raisons à cela : Il y a le temps qui passe, la commande qui prend sans cesse des formes nouvelles, le contexte réglementaire qui évolue, les outils de dessin qui se perfectionnent, et il y a aussi et surtout les sujets que nous avons à traiter qui se compliquent de jour en jour.

Nous devons réunir des compétences multiples pour concevoir avec d’autres concepteurs. Concevoir avec des paysagistes, avec des ingénieurs, avec des concepteurs lumière, avec des spécialistes environnementaux, avec des acousticiens, avec des chercheurs qui vont vivre les espaces du bâtiment, etc... et puis aussi, de plus en plus avec des spécialistes dans le fonctionnement des machines architecturales que nous construisons. Certains sujets nous demandent aussi parfois d’associer nos compétences d’architectes : j’ai ainsi beaucoup appris avec Henrik Lassen, Frédéric Nicolas, Jean Philippe Pargade et François Chatillon,...

Merci à vous tous. Nous faisons une œuvre commune.

Pour bâtir les projets que vous voyez ici j’ai construit petit à petit une entreprise d’architecture d’aujourd’hui 40 personnes. Cette aventure de plus
de 30 ans n’a été possible que par l’envie, l’engagement et l’enthousiasme d’autres architectes qui ont partagé et partagent encore cette aventure avec
moi. Je ne citerai ici que les plus anciens : Marie Claude Richard, Cyril Doye, Florence Desnot, Geraldine Maurice, Sami Zarkout, Jean Paul Bertrand, Radu
Vilara, Eric Fressancourt, rejoints par beaucoup d’autres. Ensemble, nous avons affronté pas mal de tempêtes, vécu beaucoup de joies mais aussi partagé beaucoup de doutes...

Ensemble nous avons fait ça... et nous avons choisi de continuer notre aventure commune pour longtemps encore.

Je voulais dire aussi que nous avons tous les jours l’impression de commencer enfin à comprendre comment concevoir, comment construire.

Pour finir, j’aurai aimé vous parler de ma collection de fenêtres dessinées, photographiées, gravées, photocopiées, construites... C’est le cœur de ma
recherche et de mes doutes. J’ai réuni dans des tas de boites plusieurs milliers de fenêtres... Mes préférées sont celles que l’on regarde depuis l’intérieur... Mais ce serait trop long de vous raconter ça ici. J’ai trouvé un moyen plus simple de vous en parler en lisant un court passage de LA PEAU de Malaparte, Curzio Malaparte.

« Un jour, à Capri, ma fidèle house-keeper, Maria, vint m’annoncer qu’un général allemand, accompagné de son aide de camp, était dans le hall et
désirait visiter la maison. C’était au printemps de 1942, peu de temps avant la bataille d’El Alamein. Ma permission expirait le lendemain et je devais partir pour la Finlande.
(...)
 
J’allais donc au-devant du général allemand et le fit entrer dans ma bibliothèque. C’était le maréchal Rommel. Regardant mon uniforme de
chasseur alpin, il me demanda sur quel front je me trouvais.
« Sur le front de Finlande, répondis-je.
- Je vous envie, me dit-il, je souffre de la chaleur. Et en Afrique, il fait trop
chaud. »
Il eut un sourire mêlé de tristesse, ôta sa casquette, passa sa main sur son front. Je vis avec stupeur qu’il avait un crâne de forme très bizarre : d’une
hauteur démesurée, ou, pour mieux dire, s’allongeant vers le haut, semblable à une énorme poire jaune.

Je l’accompagnai d’une pièce à l’autre dans toute la maison, de la bibliothèque à la cave, et lorsque nous revînmes dans l’immense hall aux grandes baies ouvertes sur le plus beau et le plus pur paysage du monde, je lui offris un verre de vin du Vésuve, provenant des vignobles de Pompéi.
« Prosit » dit-il en levant son verre.
Il but d’un trait, puis, avant de s’en aller, me demanda si j’avais acheté ma maison toute faite, ou si je l’avais dessinée et construite moi-même. Je lui
répondis – et ce n’était pas vrai – que j’avais acheté ma maison toute faite. Et lui montrant, d’un geste lent et large, la paroi à pic de Matromania, les trois gigantesques rochers des Faraglioni, la péninsule de Sorrente, les îles de Sirènes, le bleu, le vert et le pourpre de la côte d’Amalfi, et là-bas, au loin, l’éclat doré du rivage de Paestum, je lui dis :
« Moi, je n’ai dessiné que le paysage. »

Merci